Du début de l’aventure de Maxi-Basket en 1982, Pascal Legendre est l’une des plumes les plus renommées du basket français. Depuis un demi-siècle, il suit l’actualité de la balle orange. Dans cette première partie d’interview, il nous parle de sa situation depuis l’arrêt de Maxi-Basket, de l’état de la presse basket ainsi que de ses meilleures expériences professionnelles.
Bonjour Pascal. Depuis l’arrêt de Maxi-Basket, que faites-vous ? Mis à part sur votre blog, ilovebasket.com, avez-vous l’intention de rester dans les médias basket ?
Mon souhait le plus cher est de demeurer dans le basket car c’est une passion qui a pour moi 50 ans d’âge. Je suis tombé dedans tout petit. Cela fait exactement un demi-siècle que j’ai vu mon premier match de Pro A, qui s’appelait la Nationale 1, entre le SCM Le Mans et le Paris UC. Je suis également journaliste de profession, ce qui m’avait amené à participer à l’aventure de Maxi-Basket dont le premier numéro est sorti en septembre 1982, mais qui avait réellement débuté plusieurs mois auparavant. J’ai une piste qui – j’espère – va se concrétiser, sinon il me faudra scruter d’autres horizons. À l’heure actuelle, pour ce qui est du basket, outre mon blog, je suis sur le chantier d’un livre sur Le Mans Sarthe Basket.
Comment avez-vous vécu l’arrêt de Maxi-Basket après trente ans d’existence ?
Je me souviens que nous avions envisagé le pire, à savoir de tout arrêter après deux numéros si les résultats des ventes du premier n’avaient pas été satisfaisants. Nous n’avions pas de fonds de roulement, nous étions six à avoir investi une petite somme sur nos propres économies, nous n’avions pas de marge. Aussi j’ai tout de suite compris que je vivais une aventure éphémère, que tout était remis en question chaque mois… cela a duré ainsi 30 ans. J’étais donc préparé à ce qu’il y ait un jour un clap de fin. Après, forcément, j’ai eu un pincement au cœur quand tout s’est arrêté, renforcé par les nombreux témoignages de sympathie qui m’ont été adressés, de gens du basket, de confrères, d’amis et surtout de lecteurs anonymes. Mais si j’aime l’Histoire, je n’aime pas la nostalgie.
Comment voyez-vous la presse basket et son avenir aujourd’hui ? Que doit-elle faire pour survivre et même progresser ?
Vaste question ! L’échec ou la réussite de titres de presse, c’est comme n’importe quel projet d’entreprise, c’est d’abord une question de qualités humaines, de gens à la tête et de leurs collaborateurs. Je ne vais pas exposer publiquement mes griefs, mais je dirais tout de même que les conditions n’étaient absolument pas réunies ces dernières années pour que Maxi-Basket, mais pas seulement Maxi-Basket, assure sa pérennité. J’ai eu bien sûr ma part de responsabilités dans ces échecs. Ceci dit, tout projet est conditionné par le marché. Pourquoi Maxi-Basket a t-il connu une période faste dans les années 80 et une partie des années 90 ? Essentiellement parce qu’il y avait un fort lectorat potentiel. Nous avons vendu 16 000 exemplaires pour notre premier numéro. Les basketteurs étaient super contents qu’un magazine spécialisé parle de leur sport, du championnat de France, de la NBA qui était une terra incognita, des stars, et aussi des filles et un peu des championnats de divisions inférieures.
« Notre pic a été atteint en 1993 avec 50 000 ventes dont la moitié d’abonnés »
Il faut savoir aussi que si nous nous sommes développés, si nous avons survécu au choc de la NBA au début des années 90, c’est grâce à notre portefeuille d’abonnés. Il ne peut y avoir de succès éditorial sans succès commercial. C’est le journaliste qui a appris la vérité des lois économiques qui dit ça. Dès 1984 nous avons noué un partenariat avec la fédération et nous avons utilisé deux fois par an le fichier des licenciés pour leur envoyer des propositions d’abonnements par la poste. Notre progression a été régulière pour atteindre 30 000 ventes en 1988. Est arrivé le phénomène NBA porté par Michael Jordan et Nike puis la Dream Team, et la création de trois magazines concurrents en mars 1991, dont Mondial Basket et Cinq Majeur. Dans un premier temps, la vague était tellement violente – on parlait alors d’un phénomène de société alors qu’il s’agissait d’une mode – que tout le monde y a trouvé son compte. Notre pic a été atteint en 1993 avec 50 000 ventes dont la moitié d’abonnés. Ce sont de vrais chiffres ! D’ailleurs nous étions à l’époque à l’OJD (une association qui certifie la diffusion, la distribution et le dénombrement des journaux et périodiques, NDLR) et le Quid de cette année-là en témoigne. Le pic… Cela veut dire aussi que les ventes de Maxi et de ses concurrents n’ont cessé ensuite de décroître puis de chuter. Pour s’en sortir, GESI, la société qui éditait Maxi-Basket, a dû se diversifier. Nous avons appris à devenir une véritable société de presse. La réalité du business a dû quelque part supplanter le plaisir. Après un trimestriel de football américain, on a sorti MVP pour concurrencer directement les magazines NBA, Dunk qui a été éphémère, et ensuite Giga Foot devenu Foot Actu, Allez Lyon, qui fut un temps le magazine officiel de l’Olympique Lyonnais, Go LOSC, également un magazine de club, et enfin Hand Action, le seul magazine de handball… le sport qui s’affiche aujourd’hui comme le principal concurrent du basket. On a tenu le coup jusqu’en 2006 mais les ventes des différents magazines ont chuté conjointement et en quelques mois GESI a rendu l’âme.
« Dans les années 80 et au début des années 90 Maxi-Basket fut le point de rencontre obligé de tous les gens qui en France aimaient le basket »
La fusion, ou plutôt la reprise, l’absorption, par la société qui éditait BasketNews, Tomar Presse, a été un échec. Une deuxième reprise par Norac Presse a également échoué. Je ne commenterai pas officiellement la troisième reprise par Zone Press qui ne me concerne plus, disons officiellement car, bien sûr, je reste observateur. Je constate simplement deux choses. Ses dirigeants ont décidé d’arrêter le titre Maxi-Basket après le seul numéro de présentation de la saison. Dont acte. Deuxièmement, et j’en viens à la question, le marché de la presse basket, du print, est aujourd’hui dans un sale état. Sans divulguer les chiffres exacts, je peux dire que Maxi-Basket et BasketNews étaient sensiblement sous le seuil des 10 000 ventes depuis quelques années déjà. Cela tient donc à des erreurs de management et à l’état du marché, qui ne concerne pas que la presse basket. Dois-je rappeler que France Football, une bible, a perdu 10% de ses lecteurs en 2010 et encore 9% en 2011 ?(1) Que L’Equipe a lancé il y a quelques années, avec de gros moyens, un hebdo de rugby et que celui-ci n’a jamais eu des ventes suffisantes ? Le problème de la presse basket papier, c’est principalement la concurrence d’Internet. Si je compare avec le hand, l’offre très américanisée y est incroyablement abondante et diversifiée. C’est surtout la lutte inégale entre le gratuit et le payant. Internet, et Catch & Shoot, en est un exemple, c’est de l’info écrite en temps réel avec en bonus des vidéos, du son, des photos, le tout d’un seul clic et sans bourse déliée. Qualitatifs ou pas, les fans de basket, du moins en nombre suffisant, ne sont plus prêts à acheter 5 euros un magazine (c’était le dernier prix de Maxi-Basket) et 4,50 euros un hebdomadaire (c’est le prix actuel de BasketNews). Autre constat, depuis 1991 et l’apparition de Mondial Basket et Cinq Majeur, la NBA est un vecteur de ventes bien supérieur au basket français. Or, nous sommes noyés sous les infos multimédia en provenance des États-Unis. En France, le site qui cartonne, c’est BasketUSA. Oui, je suis pessimiste pour la presse basket en France, le print. Ça me serre la gorge de dire ça, car j’ai été élevé à la lecture de la rubrique basket de L’Equipe et de L’Equipe Basket Magazine dans les années 70, qui ont été à l’origine nos sources principales d’inspiration éditoriale avec les publications américaines, mais il faut regarder la vérité en face. Dans les années 80 et au début des années 90 Maxi-Basket fut le point de rencontre obligé de tous les gens qui en France aimaient le basket. Nous avions fait des études qui démontraient que le taux de passage en mains du magazine était de 5-7, ce qui voulait dire que nous avions de 150 à 350,000 lecteurs ! Toute l’équipe lisait Maxi dans le bus ou le vestiaire. Oui, aujourd’hui ce sont les sites Internet qui ont le vent en poupe. Seulement je sais aussi que le seul support Maxi-Basket a fait vivre à une époque jusqu’à 8 salariés à temps plein plus des collaborateurs, des fournisseurs, alors qu’un site Internet qui n’a que la publicité comme seule source de revenus, ne peut pas avoir la même envergure. Mais les boss de Catch & Shoot sont plus habilités que moi à développer ce point.
Quels sont vos meilleurs souvenirs sur ces trente années passées à Maxi-Basket ?
Comme pour un athlète, le fin du fin pour un journaliste sportif, ce sont les Jeux Olympiques. J’en ai couvert cinq. Jamais je n’aurais imaginé atteindre un tel score ! Ma découverte du basket américain fut aussi un émerveillement. Je suis allé pour la première fois aux États-Unis en 1984 pour les Jeux Olympiques à Los Angeles, au Forum d’Inglewood, avec Michael Jordan. Quoi demander de plus ? Je mets aussi en exergue le titre de champion d’Europe des Bleues en 2001 au Mans, dans ma ville, et la soirée qui a suivi dans la boîte que je fréquentais quand j’étais ado ! Bon, il y a aussi les quatre All-Star game NBA auxquels j’ai assisté. Il n’y a pas de mots pour décrire ce show. C’est l’Amérique, baby ! Et puis, à l’opposé, le reportage sur les filles de Lunac, un club de l’Aveyron qui s’est développé grâce à la production de foie gras et un président fantastique, le docteur Santucci. Le basket, ce ne sont pas que les paillettes et les dollars, ce sont aussi les valeurs humaines. Mais les plus gros frissons, ce fut quand j’ai vu Larry Bird au Boston Garden et… chaque match à Limoges. Quand le CSP de Maljkovic était en attaque, il pouvait y avoir un silence total dans la salle. Et quand Michael Young marquait un 3 points à la 29e seconde, c’était toute la ville qui éructait. Limoges est la ville du basket français, point barre. Quand je pense qu’on y construit un stade et pas une nouvelle salle, je me dis que ce pays marche sur la tête pour ce qui est des équipements sportifs des clubs professionnels, et que le foot fait tourner la tête aux élus.
…
Quelles ont été vos meilleures entrevues/les meilleurs interlocuteurs ? Inversement, quels sont vos pires souvenirs ?
Le fil rouge de 30 ans de Maxi-Basket, c’est Pierre Seillant. Il a réussi à me faire aimer l’Élan Béarnais, Orthez et tout le Sud Ouest. Je me souviens du moment où il nous avait raconté son premier voyage aux États-Unis dans les jardins d’un hôtel antibois, la veille de la demi-finale de Coupe Korac 84, Antibes vs Orthez, jusqu’à une heure avancée de la nuit. Moi, mon héros de jeunesse, ce n’était pas Michael Jordan et encore moins LeBron James, mais Christian Baltzer, Alain Gilles, Dino Meneghin, Bob Morse… Alors ce sont eux qui constituent mes « meilleurs interlocuteurs » quand je les ai rencontrés pour de vrai. Et puis quelques uns qui sont entrés ensuite dans ma sphère privée et qui se reconnaîtront. Enfin, je voudrais signaler que les meilleures à l’interview, d’une façon générale, ce sont les filles ! J’adore le club de Bourges et j’ai beaucoup d’estime pour Céline Dumerc, la joueuse et la personne, et j’ai été heureux que l’été dernier la France entière l’ait découverte. Pire entrevue ? Disons plutôt qu’à Sydney, on m’a volé mes bagages et j’ai dû vivre avec un minimum vital pendant près de trois semaines et surtout mon ordinateur est tombé en panne le jour de la finale et donc la veille du jour du bouclage. Heureusement, j’avais envoyé quelques uns de mes articles juste auparavant et j’ai écrit le reste à la main.
La suite à retrouver dès demain sur Catch & Shoot.
(1) Denis Chaumier, directeur de la rédaction de France Football, convoqué pour être licencié, Le Monde, Daniel Psenny, le 27 novembre 2011