Issu de la filière professionnelle du Mans puis devenu avocat, Nicolas Weisz tiendra chaque semaine une chronique sur Catch & Shoot, par laquelle il traitera, sous un angle juridique, les différentes problématiques pratiques se rencontrant dans le monde du sport professionnel.
Rupture des contrats des joueurs : entre accords et désaccords
L’intersaison est de retour, et comme il est de coutume en cette période les clubs font leur marché, en s’offrant les services de nouveaux joueurs, mais aussi en se séparant de certains autres.
Intéressons-nous à cette dernière hypothèse, à savoir le départ d’un joueur, et plus précisément le départ d’un joueur toujours sous contrat.
En effet, comme cela est déjà le cas dans le foot, les clubs sont de plus en plus tentés de s’attacher les services d’un joueur pourtant toujours sous contrat dans un autre club. En d’autres termes, les joueurs se font de plus en plus « débauchés ».
L’objectif de ce billet est de répondre à la question suivante : dans quelle mesure un joueur et/ou un club peuvent-ils se séparer alors qu’ils sont toujours contractuellement liés ?
- Les contrats unissant les clubs aux joueurs : des CDD dont la durée doit par principe être respectée
Tout d’abord, il convient de préciser que dans le sport professionnel, un joueur est toujours lié à son club par un CDD. Or, un CDD doit par principe aller jusqu’à son terme.
- La possibilité de rompre de manière anticipée le contrat, sans aller jusqu’à son terme
La loi permet toutefois à un club et à un joueur de rompre le CDD avant le terme initialement convenu. Dans le milieu du sport professionnel la rupture anticipée peut intervenir en cas de :
- signature d’un commun accord entre les parties.
- commission d’une faute grave par une partie : par exemple un contrôle antidopage positif, des insultes publiques. Précisons qu’en aucun cas l’insuffisance de résultats ou encore des performances décevantes ne peuvent constituer une faute grave.
- inaptitude physique du salarié : cas d’un joueur qui ne peut définitivement plus jouer au basket du fait de son état physique (cas très rare).
En pratique, c’est la première solution qui est utilisée pour mettre fin au contrat de manière anticipée. C’est donc d’un commun accord que le club et le joueur vont se libérer de/des année(s) de contrat restante(s).
Ne nous trompons pas, bien que l’on parle de commun accord, une partie est souvent « plus d’accord que l’autre ».
Plusieurs hypothèses doivent donc être distinguées.
- Les hypothèses de rupture anticipée en pratique
1. le joueur est poussé vers la sortie : les parties négocient alors une indemnité venant réparer le préjudice subi par le joueur. En général l’indemnité versée au joueur devenu indésirable varie entre 3 et 6 mois de salaires selon les années contractuelles restantes. A défaut d’accord entre les parties, le club qui maintient sa position devra verser à son joueur la totalité des salaires restant dus.
2. le joueur souhaite partir :
- si le club ne souhaite pas libérer son joueur, ce dernier demeure « bloqué » et reste tenu par les termes de son contrat de travail. En quittant tout de même le club, il sera condamné à verser une indemnité à son ancien club, indemnité pouvant être conséquente (plusieurs mois de salaires).
- si le club ne souhaite pas aller au clash, il peut négocier avec le futur club du joueur une indemnité qui viendra le dédommager pour la perte de celui-ci.
Dans cette dernière hypothèse, les clubs ont développé la technique de la clause dite de « buy out » ou clause libératoire. En vertu de cette clause insérée dans le contrat dès la signature, le club et le joueur se mettent d’accord sur une somme que le futur club acheteur (ou le joueur lui-même) devra payer pour s’attacher les services du joueur toujours sous contrat. Cette somme peut atteindre en pratique plusieurs dizaines de milliers d’euros selon les joueurs et clubs concernés.
Plus encore, les grands clubs européens développent une autre technique tout à fait nouvelle dans le basket, qui est de re-signer un joueur quelques mois avant l’arrivée du terme du contrat, et ce pour plusieurs années. Toutefois, il convient de préciser qu’en aucun cas cela veut dire que le joueur veut rester deux ou trois ans de plus dans le club. Cela signifie que le club ne souhaite pas que son joueur soit libre de tout engagement à l’issue de la saison, et ce afin de percevoir une belle indemnité en cas de départ.
Cette indemnité n’est ni plus ni moins qu’une indemnité de transfert à l’instar de ce que connait le foot. En effet, un transfert est une technique par laquelle un club accepte de mettre fin, avant le terme stipulé, au contrat de travail d’un joueur afin de lui permettre de s’engager au profit d’un autre club, en contrepartie du paiement par ce dernier d’une indemnité financière. Par principe, plus il restera d’années de contrat au joueur et plus l’indemnité sera élevée.
L’arrivée des premiers transferts dans le basket français marque sans doute le franchissement d’une nouvelle étape. Le cas Jaiteh, pour qui l’on parle d’une indemnité de transfert d’environ 100 000 euros, est un parfait révélateur.
Cela est paradoxal lorsque l’on sait que les instances du foot souhaitent remettre en cause cette pratique, dont les dérives sont aujourd’hui indéniables. Le transfert de Cavani pour 60 millions d’euros marque en effet un peu plus le non-sens de cette pratique. Le basket reste tout de même encore très loin de tout cela.
Nicolas Weisz