Le dimanche 8 juin, la Ligue Nationale de Basketball a officialisé l’attribution de deux wild-cards à deux clubs pensionnaires de Pro B : le SPO Rouen et le Champagne Châlons-Reims Basket. Ces deux équipes ont donc été invitées à monter en Pro A dès cet été. Une nouvelle qui a fait logiquement grincer des dents.
L’idée d’origine oubliée
Élu président de la LNB en juin 2011, Alain Béral a fait de ces wild-cards l’idée phare de son début de mandat. L’ancien président de l’Élan Béarnais souhaitait amener le basket masculin de très haut niveau sur les plus gros marchés français où il n’était pas présent. Avec pour cibles des villes comme Marseille (deuxième ville la plus peuplée de France) et Montpellier (huitième) notamment.
Depuis, l’idée d’origine a fortement dérivé. D’abord ouverte aux clubs de LNB et de Nationale 1 en 2013, l’autorisation d’un dépôt de demande de wild-card a été restreinte aux pensionnaires des championnats de Pro B cette année. L’intérêt initial a donc disparu.
Le seul but ? Passer à 18 clubs
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Fos contre Châlons-Reims à Marseille en octobre dernier (photo : Seb-g)
Il apparaît désormais que le seul but de la LNB était de repasser à une Pro A à 18 équipes. Une volonté logique étant donné l’augmentation du nombre de salles modernes en LNB ces six dernières années (Boulazac, Antibes, Bourg, Rouen et Orchies), l’amélioration du niveau de jeu en Pro B comme en Nationale 1 et l’énorme densité de niveau en Pro A.
Les wild-cards avaient pour but de pousser les clubs français à se professionnaliser, un sujet où ils sont souvent critiqués voire moqués. Reste que si ces montées avaient été attribuées sur le plan sportif, nous nous serions sans doute retrouvés avec une montée de plus d’un pensionnaire de Pro B (Châlons-Reims, le deuxième de la saison régulière, ou Poitiers, le finaliste des playoffs) et la non relégation d’un club de Pro A (Roanne, l’avant-dernier). Châlons-Reims, Poitiers et Roanne, voila trois clubs qui auraient fière allure en Pro A.
La communication a-t-elle causé une obligation ?
La LNB pouvait-elle se permettre de ne pas donner de wild-cards une deuxième année supplémentaire ? Oui, mais son image en aurait encore été écorchée. Critiquée pour avoir mise en place ce système, elle en avait encore plus souffert lorsqu’elle avait choisi de suivre les recommandations de la commission indépendante en n’attribuant aucune wild-card en 2013. Il lui était difficile de faire de même sans enterrer le sujet wild-card par la suite.
Par ailleurs, le format du championnat de Pro A nécessitait le don de deux wild-cards. Si Châlons-Reims paraît costaud et prêt à passer le cap de la Pro A après quatre années de fusion, l’entité Marseille-Fos « Provence Basket » semble encore un peu jeune alors que Rouen passe pour un club encore peu à l’aise dans sa nouvelle salle. Mais la LNB ne pouvait donner qu’une wild-card. Il fallait donc trouver un compagnon au CCRB.
Le SPO Rouen avait besoin de temps
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Christophe Denis parviendra-t-il à maintenir le SPO en Pro A ? (photo : Olivier Fusy)
La question est de savoir si le SPO Rouen est prêt à évoluer en Pro A. En cas de descente dans les trois saisons à venir, ce choix se révélera plus que consternant. Mais c’est malheureusement ce qui est craint aujourd’hui dans le milieu du basket.
Avec quels moyens le SPO Rouen arrivera en Pro A ? On peut se demander quel intérêt la LNB a à donner une wild-card à ce club s’il fait parti des plus faibles budgets de la prochaine saison.
Monter une équipe compétitive, cela ne passe pas que par la simple réussite d’une équipe sur le terrain. Le travail en amont en interne est toujours nécessaire pour avoir les moyens de construire un effectif compétitif. Aujourd’hui, le SPO ne semble être qu’en chemin d’avoir un niveau de structuration nécessaire pour survivre en Pro A. Et le but d’une wild-card n’est pas là : il était d’amener un gros projet plus vite que prévu en Pro A.
La structuration d’un club, si elle est bien faite, ne déçoit jamais sur le plan sportif. Si accéder à l’élite peut prendre du temps, comme pour Antibes ou Boulazac, cela finit par arriver. Le résultat sportif fait partie du processus. Si le projet est solide, un échec n’est pas qu’un contre-temps. Il permet au club de s’améliorer, de gagner en expérience. Dans un autre registre, Limoges l’a prouvé. Des erreurs ont été faites, elles ont été corrigées, et le CSP est champion de France. La patience était la clé. Rouen en avait besoin.
Le SPO, club détesté malgré lui
Cette wild-card peut devenir un cadeau empoisonné pour le club. A en lire les premières réactions, le SPO ne compte pas beaucoup de défenseur hors de ses bases. Même au sein de ses supporteurs, la wild-card n’a pas toujours été bien accueillie. Et quand on sait que le SPO a le plus grand mal à remplir sa nouvelle salle sans un grand renfort d’invitations, on peut se demander comment le club fera pour créer une passion sans qu’il y ait une vraie histoire derrière. Sans oublier que de l’effectif de la saison 2013/14, il ne devrait pas rester grand monde en Pro A. L’identification à cette équipe montée de toute pièce sera donc nulle.
L’autre échec de la saison serait de voir les travées de la Kindarena vides pour les matchs de Pro A. Si le club ne parvient pas à les remplir après quelques matchs de championnat, cela prouvera qu’il n’était pas prêt.
Rouen aurait fini par monter
Avec sa salle, Rouen aurait fini par monter en Pro A. Le cas contraire aurait été un signe d’incompétence. Comme l’aurait sans doute fait le SPO sans wild-card, Caen, Tours, Aix-en-Provence finiront tous par monter si le projet se solidifie avec le temps. Les années nécessaires pour cela leur permettront de se structurer, se professionnaliser et augmenter leur nombre de spectateurs en créant une aventure commune, une histoire.
Bref, aujourd’hui le SPO Rouen semble se destiner à faire une équipe qui joue le maintien. Pour justifier le choix de la LNB et sa place en Pro A, le club normand aura une énorme pression sur les épaules la saison prochaine. Une descente serait tirer dans le pied de ce projet de grande ampleur pour le basket français.