Née à Calais le 12 février 1992, Mélanie Devaux, joueuse au COB (Côte d’Opale Basket Calais) qui évoluait cette année en Ligue 2 Féminine, a accepté de répondre à notre interview suite à son transfert pour le Limoges ABC.
Propos recueillis par Valentin Delrue.
Bonjour Mélanie, peux-tu te présenter aux lecteurs de Catch & Shoot ?
Je suis née à Calais le 12 Février 1992. Mon attirance pour le basket a commencé à l’âge de 12 ans, pendant ma scolarisation en école primaire. J’ai effectué mes débuts dans ce sport par hasard, compte tenu de mon attirance pour le foot que je pratiquais jeune avec mes oncles. Mes débuts au basket font suite à une demande d’un ami qui évoluait à cette époque dans une équipe d’un club district local (Balzac), et parmi laquelle il manquait un(e) joueur/joueuse. J’ai effectué un an au sein de ce club, avant d’être appelée en fin de saison pour venir effectuer des tests au COB. Mes parents ont eu un peu peur au départ mais ont vite accepté. Je me revois prendre mon petit vélo pour rejoindre la salle (rires).
Concernant les passions, j’adore le sport en général, le foot, le basket que j’ai accroché de suite quand j’ai commencé. J’aime également tous les sports de raquette et la natation. Globalement je suis une personne qui aime beaucoup le sport.
Au niveau de ma scolarité, je suis entrée en section sport étude à Coulogne, puis au moment du lycée se présentait à moi deux opportunités : intégrer une section sport étude au Lycée Sophie Berthelot de Calais ou alors le COB Calais pour le centre de formation. J’ai eu l’occasion plus jeune, de discuter avec des joueuses qui m’ont dit que le centre de formation c’était l’opportunité d’être en contact avec le haut niveau. J’ai ainsi opté pour cette orientation, en poursuivant mes études au Lycée Léonard de Vinci de Calais en enseignement technologique, seul Lycée relié avec le centre de formation du COB. J’ai choisi la filière électronique par dépit au départ mais, à l’issue d’une initiation aux journées portes ouvertes, j’ai vraiment adoré. Aujourd’hui je sais que mon futur (autre que le basket) sera vraiment dans cette branche. À l’issue de mon bac, je souhaitais arrêter pour me consacrer à temps plein au basket. Mais en parlant avec mon Coach, Cyril Sicsic, à l’époque, il m’a incitée à continuer mes études. J’ai donc poursuivi en BTS Assistant Technique de l’Ingénieur, je suis actuellement dans la préparation des derniers oraux qui se dérouleront les 17 et 20 Juin.
On te connaît comme la jeune joueuse du COB (Côte d’Opale Basket Calais) issue du centre de formation, comment gères-tu (ou as-tu géré) ta vie d’étudiante ?
Les débuts sont difficiles. Ça demande une gestion de son temps, car il faut aussi travailler ses cours à côtés. C’est un rythme qu’il faut prendre assez tôt, mes parents m’ont beaucoup aidé. C’est principalement avoir une hygiène de vie seine pour que tout s’accorde.
Sur le plan sportif, en pleine progression, si tu devais définir tes modèles/idoles, qui citerais-tu ? Pourquoi ?
Il y a un joueur que j’adore particulièrement, c’est Stéphane Risacher. Quand on a commencé à avoir Internet à la maison, les matchs de basket diffusés étaient souvent ceux de Stéphane. J’ai toujours été super fan de ce joueur, en plus j’adore les gauchers. J’aime aussi Juan Carlos Navarro, mon ancien coach Julien Lalanne adore ce joueur. Il nous montrait de temps en temps des montages vidéo de lui, et à force de regarder c’est vraiment un (très bon) joueur que j’admire. C’est un joueur imprévisible, et j’adore ça. J’aime m’inspirer de joueurs masculins, par préférence au jeu masculin.
« À mon retour de blessure, j’avais peur »
Tu réalises cette année ta meilleure saison sous les couleurs du COB (9,1 pts ; 1,9 rb ; 1,7 pd pour 5,9 d’éval sur 13 matchs). Écartée en Février pour fracture du scaphoïde, quelles ont été tes sensations à ton retour ?
Au départ, j’avais peur. J’ai eu le feu vert pour reprendre, mais j’étais consciente que je prenais un risque par mon jeu un peu ‘foufou’ (joueuse omniprésente sur les terrains). Il suffisait que je retombe sur mon poignet pour dire au revoir au basket. Pendant l’immobilisation, je continuais à assister à tous les entraînements, les filles ont toujours été présentes. J’ai repris le collectif sur feu vert médical, avec une appréhension avant d’oublier la blessure. À vrai dire, au départ, j’étais plus dans l’optique, pour moi, de reprendre l’entraînement. Je ne m’attendais pas du tout à jouer, mais plutôt à servir de rotation pour aider si besoin. Physiquement la reprise ce n’était pas ça, je suis restée 3 mois en dehors, le fait de reprendre le cardio c’était compliqué au départ avant de retrouver mon niveau. À mon retour, c’était comme si je n’étais jamais partie. Sur le shoot, quand je venais à l’entraînement j’effectuais le geste. Après je suis un peu déçue, quand j’avais encore ma main gauche, je m’étais trouvée un shoot mi-distance, je suis un peu triste sur ça… (rires). À mon retour j’arrivais avant, pour pouvoir effectuer des séries de shoots. Finalement c’est revenu assez vite.
« Le Final Four, c’est une grosse désillusion »
Le COB est de nouveau (après 2012) passé au travers du Final Four à Nice en terminant 4e. Quelle est ta réaction sur ce Final Four après votre défaite en demi-finale face à Angers où vous étiez déclarées favoris pour avoir fini devant la formation angevine en saison régulière ?
C’est une grosse désillusion… Savoir qu’on finit devant, et avoir le ressentiment que sur un match on gâche toute la saison… On lâche l’accession en Ligue 1 par ce match, c’est dommage. Angers est l’équipe qui nous a causé le plus de difficultés cette année. Sur le match aller on gagne sur le fil en toute fin de match, et nous perdons chez elles. C’est vraiment une équipe qui nous a causé beaucoup de problèmes. Le groupe s’était préparé, on est resté presque 15 jours sans matchs, à penser pendant 15 jours ‘Angers, Angers, Angers’… Elles étaient moins tendues, jouaient avec moins de pression, plus libérées. Nous, on disputait le Final Four pour la deuxième année, deux ans qu’on était attendues plus haut. On avait un peu plus de pression. Sur le match on a pas eu beaucoup d’adresse… Angers a été très fort en défense. Elles connaissaient nos systèmes de A à Z ! Au millimètre près de nos déplacements. C’était difficile ensuite de s’adapter très vite. Alors qu’on avait vraiment le potentiel, on n’a pas su utiliser nos points forts au moment voulu. C’est dommage…
Globalement, comment juges-tu la saison de ton équipe ?
Dans l’ensemble on effectue une très belle saison. Après on s’est loupé sur le match le plus important, la demi-finale. Ça laisse un dernier mauvais souvenir, mais derrière ça, on réalise une grosse saison. On ne perd aucun match à domicile, c’est un gros point positif. À l’extérieur on laisse passer des matchs ‘faciles’, on les laisse nous mener alors qu’on ne s’attendait pas à perdre.
Tu réalises notamment ton match référence de saison en petite finale face à Pau (16 pts : 100 % à 2 pts, 100 % aux LF, 50% à 3 pts ; 3 rbs ; 1 int pour 18 d’éval) et termine meilleure Calaisienne. Quel bilan dresses-tu de cette bonne fin de saison sur le plan personnel ?
Je suis très contente d’avoir réalisé ce match. Après ça n’a pas d’importance pour moi, car il n’y a pas le résultat d’équipe à la fin… Pour moi l’importance c’était de gagner et avec le groupe, finir à la troisième place. Même si on termine sur une défaite la veille, pour nous c’était très important par rapport à notre saison, de revenir avec une médaille…
« Je sentais vraiment le besoin d’avoir un nouveau challenge »
On apprenait il y a quelques jours ton départ pour le club de Limoges, quelles ont été les raisons de ce départ ?
Ce qui m’a débloqué, c’est principalement mes études. Passer mon BTS et sentir que ça s’est bien passé. Je l’ai donc moins perçu comme devoir rester pour finir mes études. J’arrive en âge où j’éprouve le besoin de découvrir d’autres choses. J’ai passé toute ma vie à Calais, toute ma formation à Calais. En côtoyant des joueuses d’ici et d’ailleurs, ça donne vraiment envie de découvrir autre chose. J’avais l’impression d’avoir fait le tour de Calais sur le plan du basket, je sentais vraiment le besoin de découvrir une autre culture, d’avoir un nouveau challenge : Je voulais me mettre en danger, et m’ôter ce statut de jeune que je pouvais avoir à Calais.
Connais-tu les autres recrues du Limoges ABC ? Globalement sont-ce les promesses de recrutement qui t’ont fait venir ou plutôt le discours qui t’a été proposé ?
Je ne connais, à ce jour, aucun nom des futures recrues. Sincèrement, j’avais d’autres propositions mais, de mon ressenti, avec moins de responsabilités. Limoges pensait reconstruire le groupe totalement, je me suis dit qu’il y avait vraiment une place, un rôle important à prendre. J’ai envie d’assumer ce rôle. Mon amie, Martine Barba, jouait à Limoges cette année, elle y est restée 3 ans. Elle m’a parlé du club, des différentes valeurs, du fonctionnement, et c’est quelque chose qui m’a plu. Ça se reflète comme un club très familier. Il effectue beaucoup d’actions, comme on le fait au COB avec ‘Marraines de Cœur’ et c’est quelque chose que j’aime bien.
Sur le plan personnel, peux-tu nous parler un peu plus de tes ambitions pour la suite de ta carrière ?
J’ai envie d’avoir une bonne carrière, mais on n’est jamais à l’abri d’une blessure. C’est pour cette raison aussi que je reste liée avec les études, c’est important. J’ai toujours voulu être basketteuse professionnelle, après, est-ce quelque chose qui va me réussir, je ne sais pas… J’aimerais, c’est mon rêve, comme tout le monde, devenir une grande joueuse. Je suis attirée par tout ce qui est ‘club européen’, j’aimerais bien jouer à l’étranger. Mais c’est un projet de petite fille. Ce que j’entreprends à Limoges je le ferai à fond.
« C’est une expérience extraordinaire de porter un maillot de l’équipe de France »
Tu as par ailleurs disputé bon nombre de match sous les couleurs nationales en U18, avec le championnat d’Europe en Slovaquie. On pouvait à cette époque lire dans la presse « Elle (Mélanie) fait partie des trois meilleures joueuses de France des U18 et peut prétendre à voir l’avenir en bleu ». Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette aventure avec la sélection Française ? T’a-t-elle fait évoluer dans ton jeu, ton analyse du jeu ?
C’était génial ! Le jour où j’ai appris ma pré-sélection, je n’en revenais pas. J’étais en déplacement avec les pros, j’ai eu un appel de mon père le Samedi matin juste avant le shooting lors d’un match à Montpellier (à cette époque on était encore en LFB). Mon père m’appelle et me dit qu’il a reçu un courrier de l’équipe de France pour la sélection des U18 pour le championnat d’Europe en Slovaquie. Je n’en revenais pas. Je regardais souvent le site de la fédération concernant la sélection, il y avait deux joueuses qui ont effectué les sélections Nord-Pas-de-Calais avec moi. Je regardais souvent ce qu’elles faisaient, ça m’impressionnait et j’étais très contente pour elles. Pour moi, c’était vraiment un rêve et je n’aurais jamais pensé que ça puisse m’arriver un jour. C’était énorme, mes parents étaient super fiers. Au fil des rencontres j’ai commencé à m’exprimer un peu plus, avec un peu moins de pression. Au dernier tournoi de préparation pour aller en Slovaquie, à Lanzarote (Espagne), je sentais que j’étais sur le départ. Je me suis dit je n’ai plus rien à perdre et j’ai foncé. Le lendemain sur mon billet d’avion, le prénom d’une des filles qui devait être gardée y était barré et remplacé par le mien. C’était une grosse surprise pour moi, ça a rendu l’aventure un peu plus belle. On avait une équipe qui jouait avec le cœur, et l’aventure y a été 10 fois meilleure. Si c’était à refaire, je le referais.
C’est une expérience extraordinaire de porter un maillot de l’équipe de France, chanter la Marseillaise, c’est très émouvant. C’est énorme, je souhaite à tout le monde de vivre ça au moins une fois. Une saison ça se joue sur 10 mois. En équipe de France on prépare les évènements importants en à peu près 2 mois. On passe d’1h30 voire 2h, à 3h d’entrainement, 2 fois par jour. On rentre dans une autre structure, très disciplinée, on reste en groupe tout le temps. On a les temps de récupération qu’il faut vraiment apprécier sur 2 mois intenses.
Concernant le Basket Féminin et sa médiatisation, quel est ton point de vue ? Une différence tend-elle à se faire depuis les JO et le parcours de nos braqueuses sous l’impulsion de Céline Dumerc ?
À Calais, on est médiatisé comme l’année dernière. De mon ressenti, il n’y a aucun changement pour moi. C’est sûr que des filles comme Céline Dumerc sont plus sollicitées par des chaînes comme L’equipe 21 pour des reportages, Intérieur Sport, etc. Ce sont des joueuses qui vont permettre aux filles de se faire un peu plus médiatiser et c’est très bien pour le basket féminin, le sport féminin. J’aimerais bien que ça continue à évoluer.
On voit également le COB très impliqué avec l’opération « Marraines de Cœur » auxquelles vous avez données de votre temps aux jeunes filles des Yvelines. Peux-tu nous parler de ce projet, toi qui a eu cette chance d’intégrer un centre de formation pour aujourd’hui pratiquer le Basket à Haut niveau ?
Cette année on a fait beaucoup d’actions comme les « Marraines de Cœur ». On est allées il n’y a pas longtemps dans les Yvelines, on reçoit différentes écoles, exclusivement des filles. J’adore me proposer pour être marraine, me proposer de l’être pour les petits, surtout les babys. On établit différents ateliers thématiques. Je me souviens de la remarque d’une petite fille cette année qui disait devant les caméras : « Ça me fait très plaisir de voir des joueuses professionnelles aujourd’hui car d’habitude il faut payer très cher pour les voir ». C’est là que je me suis dit, c’est dingue l’image qu’ils ont de nous, cette image de Star.